jeudi 9 juillet 2009

Au Pérou, un centre spécialisé met 4 000 variétés de pommes de terre à la disposition du monde entier

LE MONDE | 08.07.09

Le spectacle offert par le Centre international de la pomme de terre (CIP) est étonnant. Le visiteur découvre des milliers de petits tubes à essai dans des salles réfrigérées. Tous contiennent des extraits de plants de patates, précieusement conservés et étiquetés. "Le CIP abrite 80 % des 5 000 variétés de pommes de terre qui existent au monde", précise sa directrice, Pamela Anderson.

A eux seuls, le riz, le blé, le maïs et la pomme de terre couvrent 60 % des besoins au niveau de l'alimentation végétale mondiale.
Décryptage Le défi du partage équitable des semences agricoles

Basé à Lima, le CIP est l'un des quinze centres du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale, créé en 1971 pour lutter contre la famine et la pauvreté. "Le CIP a été installé au Pérou, car les Andes sont la maison de la pomme de terre", sourit Mme Anderson, rappelant que le tubercule a été domestiqué, il y a près de huit mille ans, par les populations de l'Altiplano, aujourd'hui situé sur la frontière entre le Pérou et la Bolivie.

Le CIP étant membre du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture, sa collection est à la disposition de tous. En 2004, alors que le tsunami avait détruit les plantations en Indonésie, les populations locales ont pu replanter des patates douces grâce aux plants envoyés par le CIP. Chaque plant conservé à Lima possède un passeport qui indique son nom et sa région d'origine : il est donc facile pour les scientifiques de retrouver une variété ayant disparu d'une localité.

"On a perdu de nombreuses cultures dans les Andes au cours des dernières décennies", confirme le directeur de l'Association péruvienne pour la nature et le développement durable (Andes), Alejandro Argumedo. Afin d'inverser le processus, l'association et les habitants de six villages quechua de Pisac, près de Cuzco (sud), ont créé, à la fin des années 1990, le Parc de la pomme de terre "pour conserver les ressources génétiques" de leur région. Avec la collaboration du CIP, ils ont pu rapatrier 410 variétés de pommes de terre et, avec elles, tout un pan oublié de leur culture. Aujourd'hui, les agriculteurs cultivent 1 345 variétés (contre 770 avant la création du parc) et ont mis leur collection dans le "Traité des graines".

"Pour nous, ce traité est une sorte d'entrepôt commun, ouvert à tous, dont personne n'est propriétaire, ce qui nous garantit que ses ressources ne seront pas privatisées", explique M. Argumedo. Pour l'agronome, le traité "reconnaît aussi le rôle des agriculteurs des pays en développement qui ont conservé la biodiversité des ressources au fil des siècles". Le Traité a décidé d'apporter 50 000 dollars (36 000 euros) de soutien au Parc de la pomme de terre de Pisac.

Chrystelle Barbier

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